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Carnet de gares
16 novembre 2010

Laos : bilan mitigé

Le Laos devait être le point d’orgue de notre voyage. Nous nous attendions à des merveilles naturelles, à des prix tout doux et à des gens d’une gentillesse extrême. Comme pour un film dont on vous a trop vanté les mérites, la déception guettait. Les prix ont augmenté, les gens sont aussi agréables qu’au Vietnam, moins qu’en Thaïlande. Quant à la nature, elle est en effet en grande partie préservée par rapport à celle des pays voisins : des plaines rizicoles et des rivières dans le sud, des montagnes et de la jungle dans le nord, des cascades, un plateau où l’on cultive le café, des bestioles de toutes les tailles et de toutes les formes. Malheureusement, les treks et les visites hors des villes coûtent bien trop cher pour notre budget réduit (20€ par jour pour deux). Nous n’en avons donc pas tellement profité. Quand on parle du Laos à d’autres voyageurs qui l’ont visité, les avis sont partagés. Nous ne sommes pas les seuls à être déçus, mais beaucoup ont adoré le pays. Si on me demande mon avis, voici ce que je dirais.

Ce que nous avons aimé :

Le rythme de vie lent, très lent. Reposant pour des voyageurs, a fortiori au long cours. Regarder passer le Mékong nous a guéri les tympans et les nerfs de la fureur vietnamienne, et du coup nous n’avons fait que ça, ou presque.

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La qualité des rencontres avec d’autres voyageurs. Je ne sais pas pourquoi, mais nous n’avons jamais rencontré autant de gens sympathiques qu’au Laos. Beaucoup de Français, des Belges, une Suisse, des Anglais, avec tous une histoire à raconter et une tranche de vie à partager. Pourquoi les conversations s’engagent-elles plus facilement qu’ailleurs ? L’oisiveté ? Le prix peu élevé de la Beerlao (la bière locale) ? On se demande peut-être pourquoi ces gens sont là, parce que le Laos n’est pas encore une destination aussi courue que la Thaïlande, le Vietnam ou le Cambodge (plus précisément Angkor et ses temples). Souvent, ils ne sont que de passage, comme nous. Peu de gens ont choisi le pays comme seule et unique destination pour de courtes vacances, à moins qu’ils ne connaissent déjà l’Asie du Sud-Est.

Le riz gluant. C’est idiot et inattendu, mais on devient vite accro. Contrairement à ce que pensent certaines personnes, peu familières des mille et une variétés de riz qui poussent dans le monde, la consistance gluante n’est pas obtenue par un certain mode de cuisson : c’est en fait une espèce spéciale de riz. On en trouve du blanc ou du noir, et les Laotiens les mélangent parfois pour obtenir un riz un peu violet, tendre et parfumé, qui sert souvent dans des desserts mélangé à du lait de coco. Après quelques jours au Laos, on repère vite les paniers en bambous évasés qui servent à la cuisson du riz gluant et qui pendouillent dans toutes les échoppes de rue. Ce panier est posé sur un chaudron rempli d’eau bouillante, fermé par un couvercle, et permet au riz de cuire à la vapeur. On le vend ensuite dans la rue, au poids, dans des sachets plastique, ou dans les restaurants dans un petit panier en bambou. Pour le manger, on forme une boule compacte de riz dans la main, puis on le trempe dans une sauce, ou on le mange comme un gros bonbon rond avec de la viande grillée et de la salade de papaye. C’est économique, pratique, bon… Parfait. Heureusement, ça existe aussi chez nous dans tous les restaurants thaïlandais qui se respectent. Mais je ne le mangerai plus jamais avec une fourchette. En plus, il est décliné sous diverses formes sucrées qui ont fait mon bonheur : mélangé à du lait de coco dans une tige de bambou, cuit à la vapeur avec de la banane dans une feuille de bananier… En poudre, il sert de farine ; pilé et grillé, de condiment pour le laap, salade à base de viande et d’herbes fraîches. On le consomme aussi en Thaïlande de l’Est et du Nord, mais il est originaire du Laos.

Ce que nous n’avons pas aimé :

Les transports. En trois semaines, deux crevaisons, des lombaires en bouillie, de la poussière au fond de la gorge, des dizaines d’heures de bus pour faire quelques centaines de kilomètres. Voyager est à peine plus confortable en minibus qu’en bus local car l’état des routes est déplorable. Les bus déglingués, remplis jusqu’à ras bord de gens et de provisions, de sacs de riz et de matelas à fleurs, les bagages sur le toit, les haut-parleurs qui gueulent de la pop bon marché : ça fait partie du voyage, et ça m’amuse. De toute façon, même dans ces conditions j’arrive à piquer un somme. Mais les routes… Impraticables à cause de la pluie et de la boue pendant la saison des pluies, elles se transforment en pistes poussiéreuses dès qu’arrive la saison sèche. Les arbres qui bordent la route étouffent sous une épaisse couche de terre beige, la verdure disparaît pendant des kilomètres sous un épais nuage. Quelques portions sont asphaltées, mais entre deux on rebondit gaiement sur de gros cailloux et dans des nids de poule qui pourraient accueillir le poulailler entier. Sans compter les arrêts incessants, les crevaisons, les freins en surchauffe, le conducteur qui se prend pour un pilote de course dès qu’il aperçoit une bande de bitume. Pour rejoindre la Thaïlande depuis Luang Prabang, nous avons mis quatre jours, à raison de cinq heures de bus par jour. Un cauchemar. Même après les bus chinois. J’aurais bien échangé trois seaux remplis de pattes de poulet graisseuses et de crachats contre une route lisse, c’est dire.

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Les bestioles. Ici, je dois préciser. Les araignées et les geckos, ça ne me dérange pas. Les scorpions, serpents et autres dangers potentiels, nous n’en avons pas vu. Les moustiques, le cauchemar habituel de ma peau apparemment appétissante, ce n’était pas pire qu’ailleurs. Mais j’ai découvert ma nouvelle hantise, mon ennemi juré : les fourmis. Il y en a de toutes les sortes (comme le riz) : des noires, des rouges, des oranges, des petites, des minuscules, des énormes. A la limite, je peux vivre avec les noires moyennes, celles que l’on voit chez nous. Mais les toutes petites qui s’infiltrent dans le moindre sachet fermé par trois élastiques et deux cadenas où se trouve un malheureux biscuit, et les grosses rouges qui mordent les pieds sous la table sont venues à bout de ma patience envers la faune locale. Même dans une ville, dans une chambre d’hôtel propre et fermée, je les retrouve le matin dans ma tasse de thé, le midi sur une miette de gâteau, le soir sur un morceau de poulet. Soit, elles font partie de la diversité naturelle du pays. N’empêche.

L’irrespect de la diversité naturelle du pays. Les Laotiens ne savent pas la chance qu’ils ont d’avoir quarante espèces de fourmis différentes pour me casser les pieds. Ils ont aussi des gros mammifères, des reptiles à ne plus savoir qu’en faire, des papillons de toutes les couleurs et de toutes les tailles, des oiseaux que l’on ne trouve plus nulle part ailleurs… Malheureusement, la première chose que nous avons vue sur la route en arrivant du Vietnam, ce sont des bocaux d’alcool remplis de ces bestiaux merveilleusement divers : geckos, serpents, scorpions… Un autre plein de pattes d’ours. Sur la route entre Udomxai et Luang Nam Tha, dans le Nord, le chauffeur a arrêté le bus près d’un étal en bord de route. Des bananes, des potirons et… des chauves-souris accrochées vivantes par le bout des ailes. Deux chouettes liées à un piquet par une patte. Les Laotiens ravis ont acheté une cage pleine de grands oiseaux noirs, et une autre avec une vingtaine de petits oiseaux verts qui piaillaient. Ils nous miment le geste de manger. Pas d’équivoque. Sur l’île de Don Khon, le Toulousain-Anglais avait racheté un varan d’un mètre au propriétaire de notre guesthouse pour lui éviter de finir en plat du jour. Le grand paradoxe entre culture et écologie. Chez nous, on bouffe des escargots et des grenouilles. On a de la chance, ces espèces ne sont ni menacées ni protégées. Ici, personne ne se soucie de savoir combien il reste de ces bêtes. Plus elles sont rares, plus elles sont chères, meilleures elles sont. Pas bien différent du caviar et du saumon sauvage…

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La population de fêtards anglo-saxons. Vang Vieng, dont je n’avais jamais entendu parler avant de mettre le nez dans le guide du Laos, est apparemment le lieu mondialement connu de la déchéance alcoolisée en Asie du Sud-Est. Pour ça, je croyais qu’il y avait les plages de Thaïlande à Phuket et Ko Phan Gan. Nous avons été désagréablement surpris de tomber sur ce phénomène sur la route de Vientiane à Luang Prabang, là où l’on trouve des paysages parmi les plus fabuleux du pays. Au pied des montagnes karstiques, dans un village estropié, se succèdent des bars et des restaurants à burgers le long d’une route de terre cabossée, de la grosse sono, et des jeunes hagards dans des chambres à air qui descendent la rivière la bière à la main en vomissant pour faire de la place à la suivante. Dans ce coin de paradis, il y a du paracétamol gratuit à la carte des restaurants, et le patron de notre guesthouse, un anglais au nez rouge (que Tristan surnomme affectueusement « drunky »), nous propose en riant de pisser dans le jardin si on ne trouve pas les toilettes. « Mais que pisser, hein ! », ricane-t-il avec un clin d’œil graveleux. Nous ne sommes restés qu’une nuit, et c’était déjà long. En s’éloignant de la zone sinistrée, on croise encore quelques spécimens, reconnaissables à leurs marcels Beerlao, à leurs ongles peinturlurés fluos et aux bracelets orange que leur ont donnés les organisateurs de tubbing (la chambre à air sur la rivière). Heureusement, ils se perdent dans la masse et ne font que passer à Luang Prabang, où le Mékong doit leur sembler bien ennuyeux.

Le Laos n’est pas un pays facile. Pour l’apprécier, il faut faire son deuil du confort et avoir du temps. Mais avec un budget plus conséquent, Luang Prabang vaut à elle-seule le voyage, surtout si on la rejoint en avion depuis Vientiane. Dans le Sud, nous avons apprécié la tranquillité et la douceur de vivre sur le Mékong, les villages le long de routes droites à l’américaine et les cascades du plateau des Boloven. Le Laos est un jeune pays touristique, sans doute trop dépendant de l’affluence étrangère, qui n’a pas encore fait le choix définitif entre un tourisme de masse peu glorieux et un tourisme respectueux de l’environnement et de la culture. Si seulement les éléphants pouvaient donner leur avis…

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Commentaires
E
Les toits en pagode, c'est superbe ! Comment sont les charpentes intérieures ? Visibles et très travaillées ? J'aimerais voir. Le riz gluant sous toutes ses formes, je suis partante. Le bouddha debout avec son écharpe jaune, j'achète. Puis je médite tous les soirs avec lui. La maison à vendre, combien ? Et peut-on vivre de ses maigres rentes européennes dans une maison coloniale en regardant défiler le mékong (mais sans aller vomir dedans bien entendu) ? L'araignée grande comme la main, en photo ça passe. En vrai... ? Ca passe moins bien je présume (tout comme le varan et les fourmis géantes). Quoique là, tu me surprends Charlotte. Toi qui, du haut de tes 7 ans, envisageait d'élever des fourmis et de produire une thèse. Cela t'a passé ? J'ai copié-collé ta photo au soleil couchant. Tu es superbe. Et Tristan semble bien remis de ses aléas intestinaux. Bon, plus que 1 mois et 3 jours et nous serons avec Sophie en partance. C'est très loin et c'est aussi demain. Chic.
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