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Carnet de gares
2 septembre 2010

Chine : bilan difficile

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Quand ce voyage n’était encore qu’à l’état de lointain projet, une jolie ligne noire sur une carte du monde, la Chine s’imposait à moi comme un incontournable. Au sens propre du terme dans un premier temps : comment rejoindre l’Asie du Sud-est depuis le Japon sans y poser le pied quand on ne veut pas prendre l’avion ? J’étais également motivée par la curiosité : on parle tellement de la Chine de nos jours, avec crainte, mépris, parfois admiration, mais souvent ignorance. Nous ne pouvions prétendre faire le tour de l’Asie sans la découvrir. Pourtant, elle a mauvaise réputation : pays sale, population méprisant les étrangers… Il n’y a guère que les étudiants en chinois et les expatriés dans la moderne Shanghai ou la calme Kunming pour lui donner leur suffrage sans hésitation. Je voulais me faire ma propre idée. Résultat : la Chine est en effet un incontournable. A consommer avec modération.

Nous n’avons pas choisi l’itinéraire le plus facile et nous avons sans doute fait des erreurs : beaucoup de grandes villes polluées et relativement pauvres avant d’arriver à la frontière avec le Tibet, un peu moins d’un mois pour traverser un des plus grands pays du monde… sans compter les inondations dans deux provinces sur notre chemin. Dans ces conditions, il est plus facile de détester le pays que de l’aimer.

Ce que nous n’avons pas aimé :

La saleté et l’absence totale de savoir-vivre d’une majorité de Chinois, et plus exactement des Han, la communauté majoritaire. Je ne veux pas faire une généralité, car nous avons rencontré des personnes tout à fait sympathiques, mais nous n’oublierons pas facilement les crachats, le manque de politesse, les regards inquisiteurs et impudiques, l’absence de sourires, la cruauté envers les animaux et l’indifférence complète à l’égard de l’environnement de beaucoup de gens. Au quotidien, le fossé avec notre éducation est tellement large que leur comportement nous est insupportable.

Certaines conséquences de la Révolution Culturelle.

·        La nature est un objet qu’il faut maîtriser et soumettre, ce qui se traduit par des aberrations et la destruction de l’équilibre naturel dans une grande partie du paysage. Cultures en terrasses dans des endroits arides, déforestation, carrières : responsables des glissements de terrain et de nombreux déséquilibres naturels que les autorités essaient d’endiguer en plantant de petits arbres et en arrosant des déserts…

·        Le vieux doit être détruit au profit du neuf. On devine ce que ça donne : des villes nouvelles en béton, sans âme, peu de monuments, aucun intérêt architectural. Les bâtiments ont l’air vieux avant d’être terminés. Les villes se ressemblent toutes dans leur laideur neutre.

·        Les efforts économiques et l’industrialisation : nous n’avons jamais vu autant d’usines. Gigantesques, souvent peintes en couleurs criardes, elles enlaidissent les plus beaux paysages, et de leurs cheminées s’élèvent des volutes de fumée qui se transforment en gros nuages noirs. Pas une rivière transparente : elles servent toutes d’égout et de dépotoir. Il est impossible d’échapper à la pollution, même dans les provinces les plus reculées.

Un casse-tête pour les voyageurs : les transports. Bondés, sales, et peu fiables. Les distances sont tellement longues que le moindre voyage devient vite un véritable périple. Le train couchette et l’avion restent des solutions acceptables, quand les finances et la disponibilité le permettent.

L’hôtellerie. Difficile de trouver une chambre agréable dont la propreté ne laisse pas à désirer, sans y mettre un prix certain. A quelques exceptions près, « charmant », « joli », « confortable » ne font pas partie du vocabulaire de l’hôtellerie. Essayez plutôt « utilitaire » et « kitsch ». Par contre, vous trouverez une télévision même dans la pire des porcheries bon marché… cherchez l’erreur.

Ce que nous avons aimé :

La diversité. Jamais deux heures de route sans que le paysage change. Notre itinéraire nous a emmenés sur les hauts plateaux et les montagnes du Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Pics émergeants des nuages, steppes, collines verdoyantes, montagnes brunes et ocres, versants déchiquetés ou pentes douces, rizières en terrasse ; arbres et plantes qui m’ont évoqués ceux de nos plaines françaises, des Alpes, puis des paysages luxuriants d’Asie ; oiseaux, rapaces, marmottes et autres animaux sauvages ; yaks, vaches, buffles, moutons, les troupeaux les plus grands que j’ai jamais vus. Déchirant que le peuple Han se soit échiné à rationnaliser toutes ces richesses. Diversité des peuples aussi : Tibétains, Mongols, Hui musulmans, ethnies montagnardes... Les nomades sur leurs vaillants chevaux ont du mal à résister aux campagnes gouvernementales visant à les parquer dans des camps de petites maisons identiques et laides. Un roman passionnant sur le sujet : Le Totem du Loup, sur un jeune Han envoyé en Mongolie Intérieure sous Mao, et découvrant le monde des nomades.

Le bouillonnement. La Chine est un pays qui bouge. Partout on construit, on améliore, on injecte de l’argent. Les Chinois voyagent, travaillent, parlent fort et beaucoup. Ils sont innombrables et peuvent aussi bien résister pacifiquement aux pouvoirs locaux que suivre le pouvoir central en masse sans se poser de questions. Ils savent qu’ils pèsent lourd sur l’échiquier planétaire. Une des questions qu’on nous a le plus posées : « Parlez-vous chinois ? ». Ils ont conscience de la puissance de leur nombre et de leur économie. Mais les peuples ruraux vivent dans la même indigence que les paysans indiens. On croise peu d’enfants dans les villes : la population vieillit à vue d’œil. Pas beaucoup de femmes, trop d’hommes. Le gouvernement prévient le chômage en employant des gens à balayer les autoroutes, mais on sent que le moindre déséquilibre dans le système pourrait mener à des troubles sociaux graves. C’est une grande machine d’une puissance incroyable, qui pourrait s’écrouler de très haut si le moindre boulon venait à sauter. En tout cas, la Chine n’est pas simple. Elle mérite qu’on lui accorde du temps : difficile de bien en parler sans l’avoir vue.

La nourriture. Les restaurants chinois français, même les vrais de vrais, ne représentent qu’une infime partie de la réalité de la cuisine chinoise. Chaque région a ses spécialités culinaires, l’art et la manière d’accommoder les ingrédients et les épices. J’ai par exemple découvert que l’on pouvait manger du pain au Sichuan et au Gansu, fabriqué par les nomades tibétains ou les Hui (musulmans). Par contre, on n’y trouve pas les dim sum, ces petits raviolis à la vapeur si communs dans nos restaurants, qui viennent de la région de Canton, dans le Sud-Est. Les points communs : la viande et les légumes sont omniprésents ; le riz est l’aliment de base, si commun qu’il ne figure pas dans les banquets de qualité. En général, les ingrédients sont coupés en petits morceaux et sautés à l’huile, avec du piment, parfois du soja, du sucre, des sauces épaisses, des oignons nouveaux, de l’ail, du gingembre. On n’utilise pas beaucoup d’épices en poudre comme en Inde, ni d’herbes fraîches comme en Asie du Sud-Est. Dans la viande, les Chinois affectionnent particulièrement les morceaux que vous et moi jetterions à la poubelle : tripes, foie, langue, yeux, reins etc. Je n’ai pas mangé de chien mais j’en ai vu au menu. Par contre j’ai mangé le meilleur agneau de ma vie en Mongolie Intérieure, et du porc délicieux. Les Chinois sont de vrais gourmets, et de fins cuisiniers. Ce qui ne les empêche pas de se goinfrer de pattes de poulet sous plastique, de nouilles déshydratées et de saucisses reconstituées ou autres horreurs dans le genre. La Chine est un pays de paradoxes…

Nous avons été soulagés de passer la frontière du Vietnam. Je pense qu’il sera difficile d’égaler à l’avenir nos déconvenues chinoises. Mais je ne regrette pas un seul instant d’y être passée. J’en ai appris plus en ouvrant grand les yeux qu’en lisant dix articles sur la question. Je me suis régalée de découvrir ses paysages grandioses et sa cuisine si riche. Nous avons souffert, mais nous avons envie d’y retourner un jour : pour voir son autre visage, celui des grandes villes modernes, Shanghai et Hong-Kong. Ce qui est certain : on peut aimer et haïr la Chine, on ne peut pas y rester indifférent.

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