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Carnet de gares
21 septembre 2010

Tam Coc, la « baie d’Along terrestre »

J’avais des attentes de taille en arrivant à Tam Coc. Il y a là-bas une guesthouse dont tous les voyageurs qui y ont dormi racontent sur Internet que c’était leur plus belle expérience au Vietnam. On y est accueilli par Loan, une jeune et belle Vietnamienne d’une gentillesse extrême, qui était rameuse et brodeuse avant d’ouvrir son fameux « Chez Loan » il y a deux ans. Dans les descriptions que j’ai lues, il y avait quatre chambres, on pouvait prendre des cours de cuisine pour une somme dérisoire, on était accueilli comme à la maison.

Dans la réalité, les choses ont bien changé. Il y a plus de dix chambres maintenant, et un nouvel étage en construction. Comme la cuisine d’ailleurs, où les travaux empêchent la bonne tenue des fameux cours de cuisine. Loan est en effet très agréable, elle parle français d’une voix modulée et douce, nous tutoie et nous fait la bise. Au début, ça sent la gentillesse commerciale, mais c’est quand même appréciable d’être reçus comme des amis quand les nôtres sont bien trop loin. Les prix n’entrent pas vraiment dans notre budget serré. La cuisine est en effet délicieuse, mais bien trop chère pour nous, tout comme la chambre à 230.000 VND (12$). Mais Loan nous a pourtant gâtés : pour le prix d’une chambre sans vue, nous avons hérité de celle avec le balcon qui donne sur les rizières. Elle sent bon, les murs sont égayés par des broderies de scènes de la vie quotidienne, il y a une table basse avec un petit coffre qui ferme à clé, des fleurs en tissu, un joli patchwork qui recouvre le lit… Nous sommes accueillis par une scène de Déluge : un orage envoyé par les Dieux certainement, parce que je n’avais jamais vu un ciel aussi tourmenté. Tout n’est pas comme je l’avais imaginé, mais il y a quelque chose dans l’air, un calme campagnard, une odeur de riz mouillé, qui me plaisent.

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Pendant tout le séjour, j’ai la désagréable sensation d’être arrivée juste à temps, avant que tout ça ne devienne un grand parc d’attraction pour touristes. Les prix sont exorbitants par rapport à tout ce que nous avons vu avant. Les commerçants se sont mis d’accord sur leurs tarifs et la grande bouteille d’eau que nous payions 7.000 VND à Hanoi est maintenant à 10.000 VND, par exemple. La petite ville est remplie d’hôtels, pas un seul resto typiquement vietnamien où on s’assoit sur les petites chaises bleues en plastique, sauf ceux où l’on sert de la viande de chien (thit cho). Pourtant il n’y a pas encore beaucoup de blancs, seulement quelques cars qui les déposent à l’embarcadère pour faire une balade en bateau sur la rivière. Mais on sent que ça ne va pas durer.

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On prend les vélos (gracieusement prêtés par notre hôte, encore un bon point), pour se promener dans la campagne. Des rizières vert craquant d’où émergent des pics karstiques semblables à ceux de la baie d’Along : la nature est magnifique. Des buffles d’eau, des chapeaux coniques qui dépassent des grandes tiges de riz, la rivière au milieu, peu de motos, beaucoup de vélos, d’enfants et de villages aux ruelles étroites. Le premier jour, nous sommes enchantés par la balade. Le second, nous montons plus de quatre-cents marches pour rejoindre un temple d’où la vue sur la région s’étend jusqu’à l’horizon. Il fait une chaleur d’enfer, mais la récompense est à la hauteur de l’effort. Le soir, nous allons acheter des bières fraîches et des petits ananas sucrés que nous dégusterons sur le balcon après dîner. Une viande tendre, des épinards sautés à l’ail et du riz blanc : nous profitons de la saine cuisine de l’hôtel au son des grillons. Puis nous montons nous coucher : nuits de sommeil réparateur dans le lit ni trop dur ni trop mou.

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Le dernier jour, une mauvaise surprise nous attend. Hoa Lu, un site archéologique d’où on accède par une belle route, dixit les commentaires sur Internet. Ca commence bien, nous traversons des petits villages sur un chemin en dur, il fait beau. Mais c’est un air lourd, chargé de promesses d’orages qui n’éclatent pas ; la chaleur humide semble clouée au sol, exhalant des odeurs persistantes d’ordures et d’herbes pourries. Alors qu’hier la nature entière sentait le riz frais et les fleurs chaudes. J’aimerais qu’il pleuve, quitte à être trempée, mais ça ne vient pas. Au bout de ce chemin, il y a une voie rapide. Des camions qui passent à toute vitesse en soulevant des nuages de poussière jaune. Voilà ce qu’est devenue la charmante route de Hoa Lu et ses beaux paysages. Ils sont toujours là, balafrés par ce cordon de bitume large comme trois semi-remorques, et je n’ai aucune envie de m’extasier. Trop occupée à rouler droit pour ne pas risquer d’être accrochée. J’enrage : foutu progrès. Il y a vingt kilomètres jusqu’à Hoa Lu, que je parcours les larmes aux yeux. Poussière, rage ou déception ? Un peu des trois sans doute. Juste avant le site, il y a un petit chemin qui part à droite, indiqué : « Am Thien old pagoda ». Un membre de Voyage Forum dit qu’au bout on y trouve une vallée sauvage, où l’on ne serait pas étonné de croiser des dinosaures. Nous sommes accueillis par des bruits sourds de travaux : des Vietnamiens construisent une rampe d’accès pour bateaux dans la vallée « perdue », et il y a fort à parier que dans quelques mois on devra payer pour y faire un tour. Nous retournons vite sur nos pas, s’il y a des dinosaures ici ils sont déjà éteints. A la hauteur du site de Hoa Lu, au milieu des cars de touristes et des minibus, une femme me saute presque dessus en criant « no bycicles ! Money, money », pour que je lui laisse mon vélo à garder. C’en est trop, je donne un bon coup de pédale et nous nous éloignons bien vite du but premier de notre visite.

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Tam Coc est un joyau encerclé par les promoteurs et les organisateurs de tours à bas prix. Ninh Binh, ville industrielle et grise d’un côté, Hoa Lu et ses attrapes touristes de l’autre, la voie rapide autour : pour combien de temps encore va-t-on pouvoir se cacher dans la calme de chez Loan, au milieu des rizières victimes de leur succès ? Plus moyen de visiter quoi que ce soit sans payer des droits d’entrée et des balades en bateau. On sent l’influence des méthodes touristiques chinoises. Il y a des endroits, comme Cat Ba ou Hoi An, où le tourisme de masse n’a pas abîmé le décor : on y construit des hôtels pas désagréables, d’un bon rapport qualité-prix, et on fait attention à préserver la nature. Il y a les endroits, comme Hue ou Hanoi, où nous ne sommes que des petits points épars dans la ville vietnamienne, qui n’a pas besoin de nous pour vivre. Et enfin, il y a les endroits comme Tam Coc, où l’on pleure de savoir que bientôt ce ne sera plus jamais comme avant. Il faut les visiter maintenant, avant qu’ils ne soient défigurés, pour graver dans nos mémoires une jolie carte postale indélébile.

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Commentaires
S
Tes talents de photographe ne nous laissent entrevoir que le bon côté des choses: une nature magnifique, dans laquelle on trouve même de magnifiques papillons. Dommage que leurs jours soient comptés, et que l'Homme ne sache décidément pas conserver ce qui est vital pour lui. Profitez en bien tant que ça dure! Gros bisous de la ptite soeur.
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